2018 May 17 [French]
Aux lisières de la modernité, le paysage selon Monteleone
Fribourg » Le Musée d’art et d’histoire expose des toiles récentes du peintre Marc Monteleone,où la nature le dispute sereinement au béton.
Encore des chalets d’alpage, des Moléson, de trop vertes prairies, se dit-on. Et pourtant, la peinture de Marc Monteleone ne touche à cette imagerie que pour la remettre en perspective.Son folklorisme paysager ne se déploie qu’en lisière d’une modernité faite d’immeubles gris,de disgracieux parasols et de câbles hachurant le ciel. Ainsi, on ne se lasse pas de déambuler dans les quelques salles que le Musée d’art et d’histoire consacre à l’artiste pour découvrir comment il renouvelle ces vues maintes fois investies par la tradition cantonale, de Raymond Buchs à Yoki.
Né en 1958 à Fribourg où il sera marqué par l’enseignement d’Armand Niquille, MarcMonteleone se revendique de cet héritage pictural tout en nourrissant sa pratique d’influencesplus radicales. Dans une salle rétrospective, quelques tableaux aux vigoureuses touchescolorées témoignent d’une décennie d’expressionnisme abstrait d’inspiration américaine. Aprèsavoir vécu à New York, Paris et Tunis, le peintre est revenu à la figuration de ses premièresannées, et c’est depuis la capitale kirghize où il est désormais installé qu’il a peint la vingtaine de toiles présentées dans l’espace principal. «Il est revenu au paysage fribourgeois, mais avec le filtre de la distance, de la mémoire, du rêve», note la directrice du MAHF Verena VilligerSteinauer. A la manière des paysages recomposés d’un Vallotton, ses tableaux naissent dansson atelier de Bichkek, sur la base de photographies ou du souvenir des promenades effectuées sur ses terres natales.
Un recul qui tient le réalisme à distance et lui impose de nouvelles configurations. «Je remarqueque mes séjours à l’étranger laissent parfois des traces. Mes montagnes sont un peu plus grandesque nature, probablement sous l’influence des sommets du Kirghizstan», sourit l’artiste. Il estvrai que ses Préalpes soumettent le regard en contre-plongée, couronnent de leur hiératisme ces vues savamment composées.
Les lignes de force jaillissent de la nature, dans le sillage de tracteurs moissonnant à Wallenried,dans l’arête saillant d’une falaise, dans le parallélisme d’un brouillard singinois où Hodler n’est pas loin. Mais plus souvent, c’est la modernité qui surgit et structure – les haubans du pont de la Poya, la rive bétonnée du Lac-Noir, les caténaires du train à Grandvillard, la cheminée de Cardinal.
Ce regard, teinté de nostalgie, est posé sur la sereine beauté de la nature tandis que les pieds nequittent pas le bitume. Au loin, c’est le hameau de La Schürra qu’on aimerait voir, mais l’imposant NH Hôtel l’occulte ainsi qu’un paquebot surgi dans la délicatesse d’un horizon vénitien. Tension qui prend la forme d’une fine ironie (cette bretelle autoroutière intitulée Le silence de la montagne), et qui affleure aussi dans les pans secondaires du travail de Marc Monteleone, du dessin de presse à la scénographie, présentés en complément à ce bel accrochage.
Thierry Raboud
> Vernissage je 18 h 30.
Jusqu’au 8 juillet, MAHF, Fribourg.